Communiqué du collectif des 39 contre la nuit sécuritaire

Lundi 27 septembre 2010,

Le 3ème Meeting national du Collectif des 39 a été un nouveau succès. Près de 1000 personnes ont participé à cette rencontre centrée sur le projet de révision de la loi de 90, « projet relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge ».

La mise en forme de ce Meeting a fait une large place aux débats, qui ont laissé apparaître dès le matin, l’inanité d’un tel projet de loi liberticide dont le seul but est de renvoyer « les schizophrènes en Schizophrénie ».

À noter les nombreuses prises de position de patients témoignant de leur refus de cette loi et du climat qui déferait les liens d’amitié et de confiance.

Des jeunes infirmiers ont aussi témoigné des lacunes de leur formation en psychiatrie et exprimé que parfois même des collègues vivaient, du fait de cette formation insuffisante "dans la terreur" des patients ! Il y a là un effort très important à faire comme nous n’avons de cesse de le revendiquer.

Devant la nécessité de constituer un large front de refus de cette loi, dont il est totalement inconsidéré d’envisager quelques amendements que ce soit, nous avons invité les représentants des partis politiques et des syndicats à s’exprimer. Celles et ceux qui ont accepté notre invitation à prendre publiquement position vis-à-vis de cette loi, au nom de leurs organisations, ont été à la hauteur de nos espérances en refusant toute compromission.

Les partis politiques représentés, partis de gauche, PS, PCF, Europe Écologie -LesVerts, Parti de Gauche, NPA, ont affirmé leur rejet total de ce projet de loi, en se déclarant favorables à son retrait. La CGT au nom de la Fédération de la Santé et de l’Action Sociale ainsi que le syndicat Sud Santé sociaux se sont aussi prononcés pour le retrait du projet de loi.

Nous sommes très préoccupés de la position ambiguë de certains syndicats de psychiatres. Nous notons que le Syndicat National des Psychiatres Privés (SNPP) a partagé les critiques du Collectif des 39 sur le projet de réforme de la loi, ainsi que l’Union Syndicale de la Psychiatrie (USP) qui s’est aussi exprimée contre la loi en centrant sa position sur la proposition de la judiciarisation.

Le Collectif des 39 considère que la judiciarisation demande réflexion et nécessite des débats afin que les questions qu’elle soulève puissent être discutées. Cette discussion ne saurait représenter une divergence, et n’entame en rien notre détermination à faire front contre cette loi.

La position du SPH continue de nous étonner, critiquant comme nous l’essentiel de la loi et sa dérive sécuritaire, mais en acceptant les soins ambulatoires sous contrainte que nous considérons comme une régression des pratiques de soin, qui prétendrait répondre au déni psychotique par une contrainte prolongée au-delà de la crise. Lors des débats, nous avons rappelé que pour nous, le soin sous contrainte ne peut s’envisager que pour les périodes de crise, et que rien ne justifie d’étendre la privation de liberté au-delà de ce temps. L’exception que constitue les sorties d’essai n’a pas à devenir la règle.

Finalement, lors du débat, le président du CASP s’est exprimé d’une façon claire, pour le rejet de cette loi, ouvrant le chemin a une position plus radicalement affirmée des autres syndicats. La lutte doit continuer pour emporter toutes les conviction.

Au delà de la psychiatrie c’est la conception même du lien social qui est en jeu : la folie en tant que part indissociable de l’humain est un fait de culture. Ainsi, le collectif des 39 a-t-il lancé un « appel à la culture » qui s’adresse au monde de l’art et de la culture, le combat d’une hospitalité pour la folie n’étant pas qu’une affaire de spécialistes.

Selon l’écrivain Leslie Kaplan : « Ces mesures proposées par le gouvernement actuel révèlent une tendance profonde qui s’aggrave tous les jours : promouvoir avant tout et toujours la simplification, instaurer une civilisation simplifiée, dans laquelle je refuse de me reconnaître et que j’appelle ‘ une civilisation du cliché’ ».

Le passage à l’acte de la circulaire officielle du mois d’Août, désignant nommément un groupe de population à exclure marque un point de bascule de cet « Etat limite », décrit par Serge Portelli, magistrat, vers un Etat policier où la Norme devient loi.

Après les Roms, serait-ce au tour des fous ?

L’exécution en Virginie de Teresa Lewis ne peut que renforcer notre inquiétude sur la dérive de nos démocraties quand la norme fait Loi et que le sécuritaire allié au gestionnaire exclut de plus en plus de citoyens, poussant chaque sujet vers l’incarnation d’un « contrôleur de la norme ». Il est possible de dire « Non ! », et nous devons l’affirmer avec force devant toutes ces dérives.

Le débat ouvert par ce projet de réforme va au-delà de la seule question de la contrainte : Quelle est la nature de la norme incluse dans la notion de « santé mentale » ? Cette notion floue englobe des impératifs économiques de rentabilité du sujet. Madame Montchamp, présidente de la fondation FondaMental, député UMP, le dit de façon explicite dans le documentaire de Philippe Borrel, « Un monde sans fous » : « la maladie chronique, ou la santé mentale, changent la manière d’être compétent dans une entreprise, aller dans ce sens-là, c’est se donner les chances de plus d’efficacité, de plus de performance ».

Dans le climat ambiant, toute pensée est attaquée par un volontarisme simplificateur. Comme l’a remarqué Pierre Dardot, philosophe, nous vivons sous un régime de la norme. Les lois produites par le gouvernement ont une fonction : faire prévaloir des normes.

Ce 25 septembre 2010, nous avons encore une fois montré notre détermination. Il nous faut continuer à porter le refus de certaines pratiques, continuer à lutter sur ce terrain. Nos métiers sont touchés au quotidien par l’intégration de normes. Contre cela, il nous faut toujours plus travailler à la mise en commun, de nos savoir-faire et d’une conception humaniste de la psychiatrie et du bien commun.

La force et la dynamique du collectif des 39 a emporté durant cette journée l’adhésion de syndicats et des partis politiques. Notre refus du projet de loi sur les soins en ambulatoire sans consentement est désormais suivi par beaucoup qui appelaient initialement à "raison garder". Ce n’est pas suffisant mais c’est un début.

Dès lors, les psychiatres, les professionnels qui acceptent ce projet de loi, font rentrer la haine et la défiance envers les patients dans des pratiques qui vont se centrer sur le contrôle.

Le collectif des 39 est né en réaction au discours de Nicolas Sarkozy le 2 décembre 2008 à Antony. Nous avions alors dis « Non » à la stigmatisation, à la banalisation de la violence institutionnelle sur les patients et les professionnels niés dans leur savoir faire. Il s’agit aujourd’hui encore de dire « Non » à cette loi liberticide et sans aucune dimension sanitaire. Cette journée de débat et de rencontre s’est clôturé par « l’appel des 1000 ».

Cette revendication sera répétée et confirmée lors de la journée de grève du mardi 28 septembre 2010 à l’appel des syndicats de psychiatres. Puis lors du colloque à l’Assemblée Nationale organisé par le collectif des 39 le lundi 4 octobre 2010.

Il ne peut y avoir de proposition d’amendement ou de volonté d’adapter ce texte. Tous ensemble, nous demandons le retrait pur et simple de ce projet de réforme.

Le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire

www.collectifpsychiatrie.fr

Appel des 1000

Le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, fort de 30 000 signatures de soutien a organisé un grand meeting à Villejuif le 25 septembre 2010.

Mille citoyens, soignants en psychiatrie, parents, patients, artistes, sociologues, psychanalystes avec la participation de nombreux représentants syndicaux politiques et associatifs ont largement débattu du projet de loi sur la psychiatrie adopté en conseil des ministres.

Ces 1 000 déclarent ce projet liberticide et exigent son retrait immédiat et définitif.

Il s’agit en effet d’un enjeu de civilisation :
Le souci sécuritaire s’opposerait au soin et désignerait des populations à la vindicte.
La continuité de la contrainte remplaçant la continuité des soins serait non seulement une insulte à la souffrance des patients et de leurs familles mais également une insulte à la culture.

Le choix serait la piqûre ou l’enfermement qui plus est sous la menace ; le sécuritaire s’opposant ainsi au sanitaire.

La confiance dans la relation étant pour nous la condition absolue du soin, enfermer les patients dehors sous contrainte légale et chimique serait une caricature de la psychiatrie et témoignerait du démembrement des conditions d’hospitalité pour la folie.

Il s’agit là d’un enjeu majeur de société.

Il est donc indispensable qu’un grand mouvement unitaire s’organise pour faire céder le gouvernement.

Déjà des initiatives nombreuses ont été prises allant dans ce sens : grève des psychiatres des hôpitaux le mardi 28 septembre, création du collectif « mais c’est un homme », nombreuses initiatives locales prévues.

Par ailleurs un colloque à l’Assemblée Nationale organisé par le collectif des 39 le 4 octobre sera l’occasion de poser ces questions vitales pour l’avenir du soin en psychiatrie à la représentation nationale largement invitée à en débattre.

Organisons-nous pour préparer tous ensemble une manifestation devant l’Assemblée Nationale le jour où ce projet sera soumis au parlement.