CHAIRE DE PHILOSOPHIE À L’HÔPITAL DE L’HÔTEL-DIEU

"L’hôpital est l’espace-temps de la singularité : la naissance, la maladie, l’accident, le suicide, la mort. Et pourtant aucune autre institution ne dit autant la chosification de l’être et de ce qu’il traverse comme épreuves. Encore une fois, il ne s’agit pas de stigmatiser le corps médical. Il s’agit simplement de faire de l’hôpital le lieu de vie et de réflexion, d’entraide et d’itinérance, qu’il est substantiellement."

La psychologie clinique est certainement concernée par ces questions.

Dès janvier 2016, la chaire de philosophie de l’hôpital Hôtel-Dieu sera accessible à tous publics, et particulièrement destinée à former les résidents et patients de l’hôpital, le personnel hospitalier, les médecins, les familles des patients, et les citoyens en règle générale. Pourquoi en France ? Que cette initiative prenne son origine et sa place en France paraît évident, dans la mesure où elle s’inscrit dans une longue tradition humaniste, où les droits de l’individu et du citoyen sont promus et réinventés constamment, où science et conscience partagent un même destin depuis la Renaissance, où la question du soin est un souci public. Pourquoi L’Hôtel-Dieu ? Parce que son histoire raconte celle de la transformation de l’Institution-hôpital. Le plus vieil hôpital de la Capitale, dont le passé allie la charité et l’enfermement sécuritaire. Et, désormais, l’une des plus belles incarnations de l’assistance publique. Un condensé historique de l’évolution de la santé publique et du soin porté aux êtres. Un hôpital qui aujourd’hui réinvente son avenir et son ouverture. Et qui symboliquement forme la fonction critique de trois grands piliers de la/(l’île de la) Cité, à savoir : la Préfecture de Paris, le Palais de justice et Notre-Dame. Tel est l’enjeu d’ailleurs de cette chaire : réinventer la relation au soin, à la maladie, à la vie ; et aux autres. Ces autres étant successivement ceux qui nous secourent, nous sauvent et nous soutiennent. Et qui peuvent aussi tomber malades. La maladie, pour être guérie, demande certes d’être objectivée. Le seul problème de cette méthodologie est d’annihiler le sujet. Or, il n’y a pas de maladie, mais un sujet malade, qui se vit comme sujet et non comme malade. Le soin nécessite de considérer aussi cette singularité. Par ailleurs, l’hôpital, est plus que jamais, dans un contexte sociétal performatif d’allongement de la vie, de jeunisme et d’esthétisme du corps, le lieu où l’âme et le corps des individus disent leur vérité. Le lieu, aussi, où peut être construite une pensée de la volonté plus féconde et efficace, humble et dénuée de toute puissance. L’hôpital est l’espace-temps de la singularité : la naissance, la maladie, l’accident, le suicide, la mort. Et pourtant aucune autre institution ne dit autant la chosification de l’être et de ce qu’il traverse comme épreuves. Encore une fois, il ne s’agit pas de stigmatiser le corps médical. Il s’agit simplement de faire de l’hôpital le lieu de vie et de réflexion, d’entraide et d’itinérance, qu’il est substantiellement. La chaire proposera des conférences, des séminaires, selon plusieurs formats, et tout le long de l’année. Elle traitera principalement de philosophie, sachant que la philosophie peut être analytique, politique et/ou morale, qu’elle englobe autant la métaphysique, l’éthique, que la question scientifique et technique. Elle invitera des professeurs, chercheurs et conférenciers étrangers à s’exprimer également. Elle proposera un lieu où des rencontres plus informelles peuvent exister, en face-à-face, en petits comités/ateliers, ou plus classiquement lors de cours magistraux. Elle proposera des modules de formation à l’attention des personnels hospitaliers et des médecins, tenant compte de leurs questionnements existentiels et professionnels. L’hôpital doit devenir un lieu ouvert, de circulation et d’échange des savoirs. Un espace public citoyen et scientifique. Son modèle reste l’université. Dans un moment où l’hôpital est attaqué de toutes parts, l’inscription de la chaire en son sein, rappellerait son inestimable nécessité dans la cité.