A Besançon, les élèves sages-femmes se plaignent de maltraitance

Enfin , la parole se libère.
Les sage femmes refuseraient elles les humiliations, la souffrance larvée au travail ?

Nous soutenons ces femmes au service de la vie.
Elles ont droit au respect !
Ca pourrait servir d’exemple à d’autres !

A Besançon, les élèves sages-femmes se plaignent de maltraitance
LEMONDE.FR | 02.03.10 | 16h58 • Mis à jour le 02.03.10 | 21h03 Réagissez (27) Classez

"Quand tu ouvres la bouche, je t’exècre", "Cet été, il va faire beau, c’est l’occasion de faire du sport et de perdre des kilos", "J’ai connu d’autres Asiatiques qui avaient plus de caractère que vous", "Va falloir que je me la traîne toute la journée", "On se demande ce qu’elle fait ici celle-là"... Ce genre de remarques humiliantes et blessantes, les étudiants sages-femmes de Besançon les subiraient régulièrement. A bout, en mars 2009, une trentaine d’élèves sur la centaine que compte l’établissement consignent par écrit de ce qu’ils vivent au quotidien, tant dans l’école que durant leurs stages à la maternité du CHU.

Quinze font état de problèmes de santé ou de troubles du comportement. "J’étais devenue anorexique, boulimique et dépressive", raconte une étudiante aujourd’hui sortie de l’école. "J’ai arrêté pendant un an, c’était ma seule chance. Si j’étais restée, j’aurais dû me faire hospitaliser". Plus grave, les remarques sont parfois faites en présence des patientes et du reste de l’équipe médicale. Dernier incident en date : une élève s’est vu assener des coups de dossier sur la tête par un médecin, en présence des internes, des externes, des patientes et des sages-femmes. Son tort ? Ne pas avoir parfaitement mémorisé les dossiers des vingt patientes lors de la tournée du service.

UN SUICIDE BOULEVERSE LES ÉLÈVES

Plusieurs fois, les élèves ont tenté d’attirer l’attention de la direction sur leur souffrance. Mais c’est souvent une fois sortie de l’école qu’elles se confient, observe Isabelle Clément, médecin du travail : "J’apprends ce qui s’est passé une fois qu’elles sont assurées d’obtenir leur diplôme. Tant qu’elles sont dans l’école, tout va pour le mieux." Libérées de la peur des représailles, elles osent enfin parler. C’est ce qui s’est passé en juin 2009, où pour la première fois elles s’adressent directement à leur administration lors de la remise des diplômes. Dans un bref discours, elles racontent le goût amer que leur ont laissé leurs études. Si l’école fait la sourde oreille, la directrice adjointe des ressources humaines (DRH) du CHU, Lydie Froment, a entendu l’appel au secours des élèves.

Durant six mois, elle mène des entretiens individuels avec des étudiantes et des sages-femmes. Mais en novembre, un drame secoue l’établissement. Bien qu’aucun lien tangible n’ait été établi avec l’école, le suicide d’une élève de deuxième année déstabilise les étudiants et les fait réagir. Ils contactent Christiane Rolandez, déléguée CGT à l’hôpital, et Colette Rueff, déléguée SUD. De plus en plus d’élèves rejoignent les réunions et expriment leur colère et leur peur. Les deux syndicalistes sont atterrées : "C’est impressionnant, toute cette souffrance. La maternité a la réputation d’être un service difficile, mais je ne me rendais pas compte de l’ampleur du problème", déclare Christiane Rolandez.

"CERTAINES ÉLÈVES PLEURENT TROIS FOIS PAR JOUR"

Pour essayer de débloquer la situation, le 2 février, Lydie Froment convoque les différentes parties autour d’une table. Mais personne n’est prêt à discuter, du côté des élèves, comme du personnel de l’école et de l’hôpital. Selon Colette Rueff, "les réunions n’ont fait qu’aggraver la situation. L’école a encore resserré les boulons". Sur le terrain, l’ambiance se détériore. Les sages-femmes du CHU ne remplissent plus les évaluations de stage. De leur côté, tous les médecins gynécologues défendent les sages-femmes mises en cause dans une lettre adressée au directeur général de l’hôpital, Patrice Barberousse.

Isabelle Clément, médecin du travail, juge la situation très complexe : "A Besançon, l’enseignement porte ses fruits. La réputation de la maternité est excellente au niveau national. On comprend que les critiques formulées par les élèves suscitent une réaction corporatiste." L’école est, en effet, reconnue pour la qualité de sa formation, un argument mis en avant par la direction de l’établissement. D’après Christiane Rolandez, déléguée CGT, les élèves ne remettent pas en cause la rigueur de l’enseignement mais la pédagogie. L’une d’elle confirme : "C’est une très bonne formation mais la transmission du savoir est complètement à revoir."

Les élèves ont envoyé, jeudi 25 février, un courrier à la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS). Depuis, les sages-femmes ont recommencé à remplir correctement les feuilles de stage. L’important aujourd’hui, pour les élèves de quatrième année, c’est de pouvoir passer leur soutenance de mémoire de fin d’études dans les meilleures conditions. "Elles sont très fragilisées. Beaucoup sont sous psychotropes et dorment mal. Certaines pleurent trois fois par jour", conclut Colette Rueff.

Dans un communiqué de presse publié lundi 1er mars, le directeur général de l’hôpital, Patrice Barberousse a annoncé avoir demandé un audit à la DRASS. Contacté par téléphone, il refuse de commenter la situation, de même que Marie-Hélène Bréga, la directrice de l’école.

Juliette Cottin et Eléonore Tournier