Il faut revaloriser la formation des psychologues (J.Borgy, S.N.P)

Le SNP déprimerait-il après avoir laissé filer une occasion de défendre la profession par l’incurie de ses dirigeants ?

11 décembre 2010


Propos recueillis par Jean-François Marmion
Article publié le 08/12/2010 dans le Cercle Psy
Le SNP (Syndicat national des psychologues) a tenu ses assises le 3 décembre 2010, à l’université Paris Descartes, sur le thème de l’évolution de la formation des psychologues. Celle-ci doit être revue à la hausse, d’après de nombreuses discussions qui ont également porté sur le titre de psychothérapeute, ou encore la nécessité d’un ordre pour les psychologues. Jacques Borgy, secrétaire général du SNP, a répondu à nos questions.
Les récentes assises du SNP portaient sur l’évolution de la formation des psychologues. Pourquoi celle-ci doit-elle évoluer ?
Le DESS, permettant autrefois de devenir psychologue, était un diplôme de 3e cycle. Depuis la réforme LMD (Licence-Master-Doctorat) et la LRU (Loi de rénovation des universités), le diplôme s’obtient en 2e cycle, en Master 2 : ce n’est plus en adéquation avec la loi de 1985, qui prévoyait une formation universitaire et professionnelle de haut niveau. Or, on assiste à un glissement des formations universitaires en général : ce qui se faisait avec une Licence voici 50 ans se fait aujourd’hui avec un Master. Notre profession doit suivre ce mouvement et aller vers un nouveau diplôme de 3e cycle pour l’accession au titre, afin de maintenir un haut niveau de formation théorique et professionnelle. Cette discussion autour de l’allongement nécessaire de la formation s’est accompagnée de questionnements autour du passage du Master au Doctorat : quels types de doctorats seraient intéressants ? Etant entendu que ce qui semble le plus important, c’est d’asseoir la formation professionnelle des psychologues avec une probable augmentation des stages, et en particulier la nécessité que les praticiens aient vu, pendant leurs études, des lieux de pratique possibles suffisamment diversifiés. La formation théorique gagnerait aussi à diffuser une meilleure connaissance juridique de l’exercice de la profession, en particulier avec les responsabilités que nous aimerions voir rendues possibles pour les psychologues. Nous sommes conscients qu’en demandant cette revalorisation, il faut que les psychologues acceptent que leurs responsabilités soient revues à la hausse : on peut imaginer des praticiens responsables de services de psychologie à l’hôpital ou dans de grandes institutions comme Pôle Emploi, dans les services sociaux… Ils pourraient assumer pleinement la responsabilité du diagnostic psychologique ou d’expertises, pour les libéraux notamment.
La profession est-elle menacée si la formation n’est pas revue ?
Les professions en général sont menacées d’être découpées en métiers avec des compétences parcellaires : il faut vraiment faire entendre que la profession de psychologue est d’intérêt public, puisque c’est au psychologue que sont confiées des missions de préservation ou de recouvrement de l’autonomie et du respect de la personne humaine dans les situations sociales, privées, professionnelles, et dans toutes les situations psychiques, qu’elles soient normales, pathologiques, traumatiques. Autant certains professionnels peuvent être dans une relation d’aide, par exemple, autant le psychologue, avec sa formation généraliste à la psychologie, a une vue d’ensemble que n’ont pas les autres travailleurs de la relation.
Quels ont été les autres temps forts de ces assises ?
De nombreuses discussions ont également porté sur le nécessaire partenariat entre universitaires et praticiens, puisque le cursus de psychologue comprend aussi bien une formation universitaire à la psychologie, qu’une autre par les pairs en exercice. Les universitaires défendent l’accès de tous à l’université, tandis que se pose la question du nombre de psychologues formés chaque année. En France, on forme autant de psychologues que nos voisins européens réunis : il faudra bien poser cette question du flux, et réfléchir à quel moment opérer une sélection dans le cursus. Ces discussions ne sont pas tranchées, et vont nécessiter un groupe de travail. Les propositions formulées seront publiées dans un livre blanc, avec des enrichissements à venir. Cette publication ne devra pas faire l’impasse sur les questions qui divisent les psychologues, mais en prendre acte pour mieux essayer de les surmonter. Les jeunes psychologues présents aux assises ont d’ailleurs demandé que notre énergie soit consacrée à la défense de la profession et non aux sempiternelles querelles.
Où en sont vos réflexions suite au décret définissant l’usage du titre de psychothérapeute, et qui a fait l’objet d’une soirée liminaire aux assises ?
D’une part, nous attendons l’issue du recours déposé en Conseil d’Etat par plusieurs organisations de psychologues et d’enseignants en psychologie. D’autre part, le recours n’étant pas suspensif, le décret entre en application. Plusieurs organisations, comme le SNP, ont donc choisi de participer aux commissions mises en place dans les Agences régionales de santé, pour y porter la parole des psychologues et rappeler ce que l’on n’a cessé de dire, à savoir que les seuls professionnels réellement formés à la psychopathologie sont les psychologues sortant des filières psychopathologie, ce que le décret ne reconnaît pas. Nous devons rappeler notre attachement à des formations universitaires ouvertes à plusieurs référentiels de psychothérapie. Il faudra trancher aussi sur « la clause du grand-père », c’est-à-dire décider si, au regard de leur expérience, des praticiens installés depuis plus de cinq ans à la date de parution du décret ont une formation en psychopathologie suffisante.
Redoutez-vous qu’avec ce décret les psychologues soient éclipsés par des psychothérapeutes moins bien formés, moins bien payés, plus malléables ?
Le danger existe. Je pense qu’à certains moments des assises, on a pu sentir un mouvement dépressif dans ce sens. En même temps, les psychologues, en particulier les jeunes et les étudiants, ne veulent pas rester sur le bord du chemin, et attendent que syndicats et associations prennent leurs responsabilités. Ce que j’ai appelé de mes vœux en ouvrant ces assises, c’est-à-dire un travail pragmatique sur des questions précises, est sans doute possible.
Justement, pour ce sujet, êtes-vous sur la même longueur d’ondes que la FFPP et la SFP, par exemple ?
Sur la nécessité du pragmatisme, oui. Elles se rendent compte, comme nous, que le danger est très grand. Il me semble qu’on devrait pouvoir mettre de côté certains différends. Par exemple, les psychologues ne disposent pas d’autre assise juridique que le port du titre : il n’y a pas de réglementation de l’exercice ni de la déontologie. Des études juridiques nous disent que notre profession est bien définie quant à l’accès au titre, mais bénéficie d’une déontologie que l’on ne peut faire respecter. Il nous manque un ordre, car c’est ainsi que les professions s’organisent en France. Se prononcer pour un ordre a souvent été opposé au fait d’être pour un système de certification tel qu’EuroPsy, proposé par la FFPP. A bien y réfléchir, et vu ce qui s’est dit pendant ces assises, il me semble pourtant qu’EuroPsy n’est pas en opposition avec une organisation d’identification professionnelle : il s’agit plutôt d’une possibilité, parmi d’autres, de se différencier, de valoriser sa pratique et sa formation, de l’inscrire dans un référentiel associatif européen. Or, on voit bien que les pays qui disposent d’un ordre professionnel peuvent tout à fait, par ailleurs, proposer EuroPsy. L’idée d’une organisation permettant de donner une visibilité professionnelle ne s’oppose pas à d’autres types d’organisations qui sont, elles, représentatives des psychologues. C’est là qu’on a quelque chance de pouvoir s’entendre, si l’on cesse d’opposer les positions.
Que pensez-vous d’une possibilité de réglementation, par décret, du code de déontologie ?
La réglementation par décret ne donne pas de visibilité à l’identité professionnelle : elle renvoie la réglementation de la déontologie à des personnes n’appartenant pas à la profession. Dès lors, il s’ensuit un affaiblissement du côté déontologique des textes, gérés d’une manière juridique trop générale. Or quand une instance ordinale gère la déontologie, elle le fait avec un juriste ayant rang de Conseiller d’Etat, et des pairs qui peuvent donner leur avis. Je crois que là encore, c’est sans doute une façon d’essayer d’opposer deux modes de gestion de la déontologie, mais qui ne prend pas en compte ce que relèvent les juristes que nous interrogeons, à savoir qu’aucun code de déontologie en France ne peut être légalisé ainsi.
Certains redoutent qu’un ordre des psychologues soit une forme d’entrave à leur liberté, et de contrôle exercé sur eux ?
Là où sans doute on fait erreur, c’est qu’il s’agit bien sûr d’un contrôle de l’exercice, mais permettant de protéger la profession contre toutes sortes de thérapeutes, de coaches, etc. N’oublions pas que la profession de psychologue ne concerne pas que le domaine de la santé, mais aussi le champ du travail, où les psychologues ne sont absolument pas protégés d’organismes utilisant la psychologie à des fins pas toujours très respectueuses de la déontologie. Si on ne ferme pas ces accès, il suffit de ne pas être psychologue pour ne pas respecter la déontologie ! Or, à quoi sert une déontologie que tout le monde peut contourner ?
Quels sont les autres grands débats actuels ou émergents sur lesquels s’est positionné le SNP ?
Il nous semble essentiel, ce qui n’a jamais été fait dans la profession, de pouvoir dire clairement quel est le territoire d’exercice spécifique des psychologues, même si certains champs sont partagés avec d’autres, comme les psychiatres. Leur territoire, c’est tous ces domaines qui nécessitent la préservation ou le recouvrement de l’autonomie et du respect de la personne humaine. On peut s’occuper de gérer le stress, d’écouter les gens, mais il faut pour cela une vision suffisamment généraliste de la psychologie. Autrement, on se contente de prendre en charge des symptômes tels qu’ils sont rapportés, ce qui peut être dangereux pour l’individu concerné comme, le cas échéant, pour l’organisation du travail au sein de laquelle il s’inscrit. Chaque fois que le système managérial néglige les effets de l’organisation sur les relations interindividuelles, cela peut être catastrophique.
Quelle est l’origine du SNP ?
Il est né dans les années 1950, en même temps que la profession de psychologue en France, sous le nom de Syndicat national des psychologues praticiens diplômés. Le SNP a notamment accompagné la profession jusqu’à la loi de 1985 relative au titre de psychologue. Etre présent dans les mutations de la profession reste un souci constant. Son nombre d’adhérents est à peu près stable, avec une représentativité au-dessus des 7 % de syndicalisation en France. C’est assez rassurant. Peut-être n’explicitons-nous pas assez en quoi il est utile d’être adhérent. Au-delà du soutien que cela représente pour l’organisation, c’est aussi une opportunité de se retrouver et de donner son avis. De nombreux non-adhérents sont venus aux assises : certains adhéreront peut-être. On a vu par exemple, quand des psychologues ont jugé qu’il fallait attaquer la circulaire Fonction publique hospitalière de mai 2010, que des syndicats seuls étaient en mesure de mener un recours en Conseil d’Etat. Les syndicats ont des prérogatives que les associations ne peuvent tenir à leur place.
Les jeunes psychologues sont-ils intéressés par l’idée d’un syndicat ?
C’est compliqué. Suivant les lieux d’exercice, les positions sont très différentes. Ceux qui travaillent dans de grosses institutions comme l’hôpital, qui parviennent à obtenir un poste de titulaire, ressentent moins le besoin de syndicalisation. Ceux qui s’installent en libéral sont en revanche très demandeurs : totalement responsables de leur activité, ils se sentent très isolés, et ont besoin de savoir ce qu’il en est de la législation, ce qu’ils peuvent faire ou non, quels sont les garde-fous. Par exemple, si un père en instance de divorce vient les voir, peuvent-ils recevoir l’enfant ? Plus le psychologue est seul, plus il a tendance à se syndiquer.

Vos commentaires

  • Le 26 décembre 2010 à 09:47, par psycho En réponse à : Il faut revaloriser la formation des psychologues (J.Borgy, S.N.P) !!!!

    Comme nous avons eu l’occasion de vous le dire , ici, Monsieur Borgy a été mis devant le fait accompli : la réforme de la formation de psychologue qui va étre adaptée par les médecins pour formater les futurs psychothérapeutes. La formation , c’était le prochain coup à jouer après la sortie des décrets relatifs au titre de psychothérapeute. Jacques Borgy nous fait croire qu’il a la main en annonçant une réforme de la formation des psychologues , non il annonce la fin de la formation des psychologues dans les sciences humaines....