Ce vendredi 28 janvier, la CGT, SUD-Santé et l’Unsa appelaient les psychologues à faire grève dans toute la France. Rarement mobilisés, toutes les catégories de la profession – du psychologue en cabinet privé au psychologue territorial en passant par le psychologue hospitalier – ont protesté contre la précarisation, la dévalorisation du statut, et le manque de reconnaissance de leur formation. Jacques Borgy, secrétaire général du Syndicat national des psychologues praticiens, affirme que « ce mouvement s’inscrit dans la contestation générale de l’évolution du service public de santé ».En 2010, une circulaire portant sur le temps de travail et un décret modifiant le recrutement ont visé directement les psychologues de la fonction publique hospitalière (FPH).
Si les psychologues se mobilisent pour leur statut, ils s’inquiètent surtout des effets sur les soins de leur précarisation : « Prenons l’exemple d’un psychologue contractuel, explique Marie-Claude Cathelineau, titulaire à l’hôpital d’Anthony dans les Hauts-de-Seine, l’enfant s’attache, noue une relation particulière avec le psychologue. S’il part, cela peut provoquer un choc. On ne peut pas remplacer une relation humaine construite singulièrement. »
Eu égard à la qualité des soins, le décret du 20 mai 2010 encadrant le titre de psychothérapeute préoccupe aussi les psychologues. Inspiré de l’amendement Accoyer de 2004 qui visait à protéger les patients des dérives sectaires, ce décret impose à tout nouveau psychothérapeute d’avoir suivi une formation en psychopathologie clinique de 400 heures et un stage pratique de cinq mois minimum.
Si les médecins et les psychiatres obtiennent de droit ce titre, les psychologues doivent suivre une formation complémentaire en psychopathologie et sont obligés d’enregistrer leurs diplômes auprès de la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales pour obtenir un numéro Adeli, consultable par le patient.
Ce titre, Martine Shindo « ne le demandera pas. J’ai déjà été formée pour faire des psychothérapies, et j’en fais tous les jours ». En effet, « dans sa formation, le psychologue étudie la psychopathologie, poursuit Bernadette Rancher, psychologue titulaire, et il pratique des psychothérapies avec les patients qui en ont besoin. Le titre de psychothérapeute vise simplement à disqualifier la formation universitaire générale ».
Le décret prévoit que la formation des psychothérapeutes n’a pas pour obligation d’être dispensée dans un établissement universitaire, mais seulement dans des structures agréées par l’Etat. Ce qui ouvre la porte aux établissements privés. « Après une courte formation, ces professionnels pourraient être payés moins cher. Ce qui les rendraient plus attractifs que les psychologues hospitaliers aux yeux des chefs d’établissement », prédit Martine Shindon qui craint « la création d’une nouvelle profession ».Soumis depuis 2007 à la tarification à l’activité (T2A), le directeur d’un hôpital doit comptabiliser et évaluer l’ensemble de ses services afin d’équilibrer l’allocation des ressources financières. Thérèse Petitpierre rappelle justement que les formations actuelles pour devenir psychothérapeute étant plus ouvertes sur la thérapie comportementale « sont aussi plus conformes à l’évaluation systématique que notre formation en sciences humaines ».
Ce vendredi, plusieurs centaines de psychologues de la fonction publique hospitalière ont manifesté à Paris devant le ministère de la santé, tandis que des rassemblements ont eu lieu en province devant des agences régionales de santé, rapporte l’AFP. « On exprime avant tout une inquiétude et une colère partagées », explique Jacques Borgy. Au risque, en l’absence de revendications communes, de ne pas donner d’objectif au mouvement.