Neutralisation bienveillante ?
L’éditorial du JDP est, en ce mois de juin , des plus tranchants ; il remet à leur place les évaluateurs de toutes sortes , à une place bien relative , celle de ne pas empêcher la vie de s’exprimer.
Psychologuesenresistance
Éditorial
Neutralisation bienveillante ?
La mode est à la délimitation des pratiques. Les évaluations, fiches d’accueil, démarches qualité qui contaminent le secteur de l’aide sociale au sens large - cela dans une conception managériale, disons-le, d’une grande pauvreté intellectuelle et singeant le monde de l’entreprise - en sont les témoins patents. Les agents de « maîtrise », qui relayent ces pratiques, se font les chantres d’une efficacité pour le moins discutable, s’appuyant essentiellement sur des mots ou phrases du type : recension des compétences, gestion du personnel, carrière, mobilité, cette dernière injonction ayant eu le succès tragique que l’on sait dans certaines entreprises du monde de la « communication ».
En fait, ce que l’on voudrait nous faire croire, c’est à l’éradication prochaine des conflits, cela par une opération de lissage des activités et des compétences professionnelles, où domine l’idéologie, voire la tyrannie, d’une certaine forme de transparence, dont Jean-Pierre Pinel a justement pointé les aspects totalisants lors de notre dernier Forum.
Ainsi, avec la multiplication des syndromes, grâce au DSM*IV prochainement DSM V, les conflits, y compris psychiques, vont être considérés sans discernement comme des anomalies fondamentales, desquelles il faudra se prémunir coûte que coûte.
les autres. On recherche les formes les plus efficaces de lutte contre les sectes, mais on s’agenouille devant la religion du management appliquée à tous les secteurs, y compris aux travailleurs sociaux, aux psychologues ainsi qu’aux psychanalystes ; inutile de se croire à l’abri de tout changement dans les salons feutrés, ou à l’ombre de théories confortables.
Les médiations suivent-elles le même chemin ? Peuvent-elles impliquer une dimension subversive ? La question est insistante, car les médiations, multiples, sont à double face. Elles attestent d’une certaine manière de la légitimitédes conflits, de leur aspect inévitable et de la nécessité de les traiter dans une dimension où le tiers est primordial. Mais encore faut-il les pratiquer avec précaution : tout conflit ne relève pas d’une technique de médiation et les leçons tirées, soit de l’autorité soit de la réalité des tensions, sont bonnes à prendre et aident aussi à vivre.
Vivre, c’est aussi accepter les différences, rester à distance d’un acharnement préventif consistant à araser tout ce qui dépasse ; c’est aussi admettre les contradictions et la complexité qui font la fragilité de chacun, mais fondent, aussi, son existence.
Deiphine Goetgheluck, Patrick Conrath
Dans un autre contexte, se faire évaluer ou, mieux, s’évaluer soi-même serait la forme la plus aboutie des pratiques conjuguant le confort et la paix des esprits pour les uns, la totale neutralisation des pratiques pour Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux.
Le Journal des psychologues.