QUELLE FÉDÉRATION POUR LES PSYCHOLOGUES ?

Les psychologues, comme les enseignants, comme les juristes et tous les universitaires du monde ont une forme de pensée qui trouve en elle- même son propre dynamisme : une question en amène toujours une autre, et la passion de savoir ne s’éteint jamais. Cette forme de pensée qui, après tout, n’occupe que le deuxième rang au palmarès de l’excellence, se suffit à elle même et résiste à toutes les injonctions. Elle n’appelle aucune fédération. On comprend par ailleurs que des sujets d’excellence, mus par l’idée de performance, se fédèrent autour de fictions, perçues comme des avancées. En ce cas, la passion de savoir n’est pas première, c’est l’esprit d’entreprise qui domine. On comprend aussi que des sujets plus moyens cherchent la norme, se fédèrent autour d’un modèle, obéissent aux consignes : la passion du savoir n’est pas présente, c’est le souci d’obéissance qui domine. Les trois groupes ne peuvent donc pas être régis de la même façon au sein de l’entreprise. Les psychologues de la fonction publique hospitalière n’ont donc pas vocation à se rassembler qu’entre pairs, au sein de collèges, les affaires de hiérarchie appartenant aux autres groupes. L’expérience montre que depuis 50 ans, ces psychologues ont tenu leur position clinique au sein des institutions, parce que la passion du savoir est aussi celle de l’entomologiste ou du botaniste : c’est pareil et c’est différent. Ils ont tenu, coincés entre les deux autres formes de pensée, sans pour autant tomber ni dans la fiction, ni dans la servitude. Mais nous vivons une époque moderne : avec la mondialisation, l’Europe s’est européanisée, les identités nationales ont été chahutées et la modernité ravageuse a pris la forme d’une guerre civile qui ne dit pas son nom. Cette guerre se présente sous forme de jeu, tout en étant bien réelle, et se solde par la mise en insécurité généralisée de toute une population. C’est un jeu sans règles, et on peut être éliminé sans raison. A ce jeu, le grand exécuteur est toujours le groupe, et l’élimination de l’individu est prononcée par les proches. Ce n’est pas une blague : aux Etats- Unis, à San Diego(Floride), c’est un jeu de téléréalité qui fait, en direct, le dégraissage d’une entreprise réelle (Ouest France 31 mai 2013) Plus réellement, à l’hôpital, les personnels de soin sont prêts à voter l’élimination des non personnels de soin : en ce moment, à La Rochelle, ce sont les agents de service hospitalier qui sont menacés de « réorganisation ». Les psychologues pourraient bien être exposés au même sort. Ils ont tout intérêt à se méfier : si on leur demande plus de compte, plus de justifications, c’est parce qu’ils sont déjà condamnés, ou tout au moins, mis en examen. 2 Certes, « l’objectif de la structuration est de faire reconnaître la place de la psychologie dans les structures sanitaires, sociales et médico-sociales et son apport à la prise en charge globale des patients » mais le piège est dans l’énoncé : « vous serez reconnus », si vous êtes en mesure de « prouver votre apport », c’est à dire votre utilité. C’est là qu’on ne prouvera rien, parce que l’esprit est, par définition, immatériel. En terme d’humanité, d’ailleurs, aucun homme, aucune femme n’est réductible à son apport : il ou elle travaille bien, ou moins bien, et on avance avec ce fait. Si on reprend enfin l’histoire, l’évolution de l’accès à la titularisation pour les psychologues les guidera pour comprendre la situation. Au commencement, était la tutelle du médecin-chef, et il n’y avait pas de piège. Puis, le concours régional est venu simultanément à la mise en place de statistiques déjà « expérimentales ». L’état mettant son nez dans les affaires médicales, la tutelle des médecins chefs a repris vigueur, cette fois, de façon moins bienveillante, et le concours a été aménagé, cette fois de façon stressante. Dans cette guerre, ne nous trompons pas : l’aventure expérimentale 2013-2014 à laquelle invite le ministère (CIRCULAIRE N°DGOS/RH4 /2012/396 du 26 novembre 2012 relative à la mise en œuvre de l’expérimentation de la structuration institutionnelle de l’activité́ des psychologues de la fonction publique hospitalière), gageons le ne profitera pas aux psychologues.

Geneviève MATHONNEAU, psychologue clinicienne, Juin 2013 genevieve.mathonneau@wanadoo.fr