Au sujet du Décret n° 2017-813 du 5 mai 2017 relatif aux expérimentations visant à organiser la prise en charge de la souffrance psychique des jeunes

Au sujet du Décret n° 2017-813 du 5 mai 2017 relatif aux expérimentations visant à organiser la prise en charge de la souffrance psychique des jeunes
https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2017/5/5/AFSP1704616D/jo/texte
L’Association des psychologues freudiens partage les réserves du communiqué de l’Inter-Collèges des Psychologues hospitaliers IDF sur ce décret.
Oui cette expérimentation nous questionne. Non, la profession n’a pas été concertée. Pourquoi ne savons-nous rien de la composition des équipes diverses qui interviendraient dans cette expérimentation ?
-La "souffrance psychique" peut-elle se voir résorbée en un temps record, standard idem pour tous ? Est-il souhaitable et avisé de traiter ainsi ce point si fragile chez les adolescents, la séparation, la perte ? Quid du destin des expérimentés après leurs 12 séances ?
- Est-il salutaire de l’attaquer de la sorte, à l’abri des CMP, qui ont pour mission de l’accueillir et cela depuis plusieurs décennies, sans prendre en compte cette expérience ?
- La demande, l’enthousiasme du "souffrant" vers l’expérimentation, vers ce vif protocole, qu’en fait-on ? Se réduit-elle à un dit "consentement" ? Qu’est-ce qu’un consentement "recueilli par tout moyen", si ce n’est un consentement ravalé ?
- Certes les CMP sont accusés d’arborer de longues listes d’attente ; ils sont menacés par l’évaluation purement statistique et quantitative et cela chaque jour davantage. Faut-il poursuivre une politique qui fait de la santé le parent pauvre ?
- Laisserons-nous les bras croisés se multiplier les rapports, les reportings, les audits, qui, nous plongent tous dans un ravalement total de la pensée ?
- Laisserons-nous advenir jusqu’à plus soif la mort de l’enseignement de la psychopathologie ? Le symptôme est-il inexorablement condamné à se voir traduit en troubles ?
- Le décret évoque l’évaluation nécessaire.
Rappelons que les psychologues ont le choix de leurs « méthodes spécifiques », comme l’indique leur statut. Notre action est régulièrement évaluée par les outils dont nous nous saisissons pendant le temps FIR, Formation-Information-Recherche. Ce temps est indispensable car il nous aide à maintenir vivante et innovante notre expérience d’écoute quotidienne.
Rappelons encore qu’il nous est nécessaire de revenir à la charge pour interroger la pauvreté conceptuelle des nouvelles classifications DSM IV et CIM 10. Comment permettre aux soignants « branchés », aux nouveaux psychiatres dont le savoir est réduit, de saisir un autre fil que celui des coches, des cases et des chiffres ?
Pourquoi tant d’entre nous prennent-ils l’option de transmettre parfois, oralement, des
moments, des effets de psychothérapies, de cures, de « traitements psychodynamiques » dirait-on aujourd’hui, poursuivis au CMP ?
Et le transfert ?
Ecouter le sujet, et quel que soit son âge, implique de prendre en compte la dimension du transfert, positif, négatif. La stratégie avec le transfert, difficile, à remettre sans arrêt sur le métier, se réduirait-elle à des propositions sympathiques qui permettraient au sujet de changer de psy comme il change de portable ? C’est prévu dans le kit, c’est possible ?
"Chacun est libre !"
Précisément.
Combien de temps le psychologue pourra-t-il décider de ses « outils » et de la façon dont il pense devoir mener un entretien ?

Stella Harisson