Le retour du pire : Recherches et calculs : comment éliminer le sujet

par Marie-Hélène Bigot

Forum du 7 février

Communiqué de JA. Miller

Le retour du pire

On se souvient du rapport sur l’évaluation des psychothérapies qui défraya la chronique voici quelques années : l’Inserm l’avait patronné et diffusé ; quand la fumisterie fut avérée, le ministère de la Santé le retira de son site ; le ministre en personne, Philippe Douste-Blazy, vint annoncer la nouvelle à un Forum des psys.

Responsable du fiasco, M. Jean-Michel Thurin n’a pas désarmé : désormais associé au Pr Falissard, polytechnicien qui se voue à « mesurer la subjectivité », il vient de présenter au public leurs premiers résultats.

Je l’ai appris ce matin même en lisant le texte que m’avait envoyé notre collègue Marie-Hélène Bigot, et que je vous mets aussitôt sous les yeux, à la veille de notre Forum.

Falissard et Thurin, vous appelez sur vos têtes les foudres que nous devrons lâcher avant que vous n’accouchiez d’un nouveau de vos monstres (si je puis dire).

Recherches et calculs : comment éliminer le sujet

par Marie-Hélène Bigot

4 février 2010

Le 22 janvier 2010 le « Réseau de Recherches Fondées sur les Pratiques Psychothérapiques », RRFP, coordonné par J.-M. Thurin et B. Falissard, organisait une Journée pour faire part des premiers résultats de travaux engagés depuis deux ans.
Les personnes présentes nous ont paru être, pour la plupart, déjà partenaires du Réseau. De même nous a-t-il été dit que ces études de cas étaient maintenant « bien accueillies « , en référence à des « positions récentes de leaders d’opinion ». Si des résultats nous ont été communiqués, nous n’avons donc pas assisté au cours de la Journée à un débat qui ait permis de faire naître une position critique, d’interroger la valeur de ces travaux.
Plus que d’un compte-rendu, il s’agira donc de questionner les objectifs, les outils, les études de cas présentées et la logique de cette recherche.

Ces travaux, a dit Michel Thurin, visent à comprendre « le pourquoi et comment ça marche » de la psychothérapie. Il reprenait là le titre du séminaire du NIMH (Institut National de Santé Mentale américain) en 2002 : « Psychotherapeutic interventions : How and why they work » (1)
Rappelons aussi que ces travaux font suite à la publication de plusieurs expertises collectives. L’une d’entre elles portait sur l’évaluation de l’efficacité des psychothérapies. Cette évaluation a été considérée comme non valide par un grand nombre d’intervenants. Jean Marie Danion, partenaire du Réseau le rappelle : « la contestation était allée jusqu’à affirmer l’impossibilité d’évaluer les phénomènes psychiques » (2)
Si, dans ce texte, cette affirmation est dite « à l’évidence excessive », certaines des objections d’alors sont reprises dans la définition du projet RRFPP.
B. Falissard nous a dit en introduction que ce projet visait à « développer l’évaluation des psychothérapies en conditions naturelles », et le texte de présentation du réseau précise qu’il s’agira d’impliquer : « un nombre élevé de patients dont la complexité diagnostique et la dimension subjective des troubles seront prises en compte », le but étant d’appréhender « la dynamique de changement en jeu au cours d’un travail psychothérapique » (3)

Premier point. Aucune définition de « la psychothérapie » :

l’objet de la recherche dit porter sur les pratiques psychothérapiques.
Seules des modalités d’intervention sont décrites, avec cette précision venue de J.-M. Thurin : il s’agit « maintenant », c’est-à-dire dans le cadre de ces recherches, « d’un acte technique ».
Cette affirmation implique qu’il y ait, parmi les présupposés, celui-ci : il serait maintenant possible de décrire ce qui a eu lieu et les effets qui se produisent sans faire référence à un cadre théorique. L’analyse des seules « données » seraient devenues pertinentes. Sans doute cette phrase de B. Falissard, prononcée en introduction : Atteindre à la « transparence » avec « un regard scientifique digne de ce nom » est-elle à rapporter à cette intention.
Il nous a semblé que non seulement cette volonté de transparence n’atteignait pas son but, mais qu’elle excluait son objet. Ces travaux ne pourraient donc prétendre à une quelconque validation de leurs résultats, sinon bien sûr au vu de critères auto-construits excluant toute critique.

Les sujets inclus dans l’étude


On nous dit que ces études concernent actuellement trois grands groupes :
La maladie d’Alzheimer, l’autisme et les troubles Borderline chez l’adulte et l’adolescent.
Ces catégories sont repérées, cernées en référence au DSM ou à la CIM, qui revendiquent une absence de référence théorique.
On trouve pourtant dans la CIM, entre autres, ce commentaire : « les opinions concernant la classification des troubles de l’humeur divergeront tant que la subdivision des symptômes cliniques reposera uniquement sur des manifestations émotionnelles et comportementales et non sur des arguments biologiques ou biochimiques » (4)

Ces catalogues, CIM ou DSM, ne constituent de fait qu’un mode de classement parmi d’autres. Si ceux qui s’y réfèrent l’oublient, ceux qui l’ont construit le savent. Etablis par consensus, par accords intervenus entre partis (l’unanimité ne ferait pas plus le poids), leurs partisans attendent de la recherche scientifique qu’elle leur apporte le point d’ancrage, la caution qui leur manquent, rêvant d’en faire Le Système de classification naturel. Pour sa part, Bruno Falissard a mentionné que ces travaux ouvraient sur des champs pluridisciplinaires pouvant aller « jusqu’au plan biologique ».

Quatre cas ont été présentés, issus chacun de l’un des groupes de travail, avec, pour le troisième groupe défini comme « borderline » deux cas : celui d’une adolescente et d’une adulte.
Chose curieuse, le premier, issu du groupe « Alzheimer », n’en était pas un.
Il s’agissait d’une femme de 74 ans pour laquelle le diagnostic posé était celui de « troubles cyclothymiques », « troubles de la personnalité histrionique », qui a été opérée d’une cataracte au cours du suivi.
Pourquoi cette inclusion de la part de chantres du scientifique ?
On nous a répondu que la population, en psychiatrie, est hétérogène, que les troubles ne sont pas « que neuro-dégénératifs », que « des troubles cognitifs peuvent apparaitre au décours de troubles dépressifs graves ». Ce diagnostic n’était pas celui retenu, mais si on suit ce fil, il a été dit à plusieurs reprises que cette évaluation se faisait « en conditions naturelles ».
Cette vignette prétendrait donc répondre à une objection : celle d’une sévérité des critères d’inclusion telle que « la cohorte de patients inclus dans l’étude n’est plus représentative des patients de la clinique courante » (5)

Etude systématique de cas isolés 


C’est le nom qui a été donné à ces protocoles de recherches. Ils sont supposés tenir compte de critiques concernant des études d’abord appelées « contrôlées randomisées » (ECR), d’abord apparues au Canada et aux Etats-Unis.
L’appel d’offres du projet reprend certaines de ces objections : « échantillons trop spécifiques, indicateurs trop réduits, durée réduite de l’étude, absence de prise en compte du contexte » (6).
Le Réseau, qui entend aussi suivre les recommandations l’APA et du NIMH. (Association Américaine de Psychiatrie et Institut National de Santé Mentale américain), se propose de « rapprocher la recherche du monde réel (effectivness studies) », pour répondre « aux questions des patients, des cliniciens, des services de santé et des assurances » (7).

La perspective économique fait partie intégrante du projet.

B. Falissard a fait référence, dans son intervention, aux travaux de Fonagy et Kastin. Kastin mentionne également la présence de cet intérêt économique. Il existe, dit-il, de la part de ceux qui payent : « une tentative pour déterminer ce qui est approprié, ce qui doit être remboursé et comment » (8)
Ces études visent donc à l’instauration de pratiques « evidence-based » (EBP), de thérapies censées avoir démontré leur efficacité après recherche sur des études de cas. Elles se poursuivent malgré les objections et tentent, dans le cadre du Réseau, de s’implanter en France.

Outils et Interprétation 
Mais comment mesurer l’efficacité d’une thérapie ?
Peut-être les indicateurs utilisés, qui sont dits « globaux », fournissent-ils des informations sur des caractéristiques psychologiques, médicales, sociales, de personnes retenues dans le cadre d’une recherche, mais encore faut-il s’interroger sur ce dont ces indicateurs, qui relèvent du choix des expérimentateurs, seraient supposés être l’indice.
Chacun des groupes de participants du Réseau a rendu compte de résultats obtenus avec les outils choisis pour l’étude. Des chiffres, des différences entre sujets, d’une passation à l’autre pour un même cas, ont été enregistrés, mais en quoi cela relève-t-il des effets de la « psychothérapie » ?
En quoi ces outils sont-ils adéquats pour mesurer un effet de la psychothérapie ?
Et, au-delà, quel doit être cet effet ? Ou ces effets ? Qui décide d’ailleurs des effets attendus, obtenus ? Nous notons qu’ici les sujets « psychothérapisés » n’en disent rien. Les chercheurs se font leurs interprètes au travers des instruments d’évaluation. Cette traduction chiffrée n’est-elle pas chose impossible à réaliser ?

« L’amélioration » est un point retenu par J. Barber, chercheur américain « spécialisé dans la recherche sur les psychothérapies ». Reste que « le critère d’amélioration » dont on va se servir pose lui aussi problème. Il faut décider de ce qu’il sera, à quoi on le compare, ce qui fait sa validité... même ceux qui conduisent de telles études en conviennent (9)

Les résultats qui nous ont été communiqués obéissent à un protocole précis.
Certains des entretiens sont transcrits. Un « groupe de pairs » s’accorde, par consensus, pour établir un diagnostic, définir les objectifs poursuivis et la stratégie à mettre en place.
Le cas est ensuite analysé à partir d’éléments tels que l’échelle de « Santé Maladie de Luborsky », une échelle de « Fonctionnement dynamique », une cotation au Psychotherapy Process Q-set (PQS) d’Enrico Jones...

Retenir ces résultats pour paradigmatiques d’une amélioration participe d’une construction théorique. Les conditions du suivi, ne sont pas « naturelles », mais construites. Les sujets savent qu’ils participent à une étude, donnent leur consentement, tant du coté « thérapeute » que des personnes suivies. Ce qui modifie les conditions de prise en charge.
Les critères retenus ne sont pas plus « naturels ». Ils orientent une lecture des cas.
C’est tenir, par exemple, celui qui se plaint, qui souffre, pour malade, supposer qu’il y a là « dysfonction », ou « désadaptation » comme cela a pu être dit.
C’est construire un système qui repose sur une dualité santé/maladie, dont le terme de psychothérapie est d’ailleurs lui-même porteur.

On corrèle des changements de niveau à une « efficacité/inefficacité » de traitement, alors que « le lien entre les changements de niveau de ces indicateurs et l’efficacité du traitement, rapportée à un changement de comportement, n’a pas toujours été établi » (10)
En quoi les indicateurs choisis ici sont-ils pertinents ?
En quoi ces résultats sont-ils l’indice d’un effet psychothérapeutique plutôt que d’un changement de contexte, d’aléas de vie (des différences sont enregistrées lors de l’intervention de la cataracte du premier sujet) ou d’autres interventions ?
Au nom de quoi a-t-il été décidé que telle donnée, changement de comportement ou autre, cotée par un « psychothérapeute » endossant aussi l’habit de chercheur, et par deux collaborateurs extérieurs, est un indice fiable de l’effet du traitement ?
Le biais introduit par la présence du psychothérapeute dans les études a bien été mentionné, mais, en amont et en premier lieu, les choix qui ont présidé à l’élection de ce cadre, qui portent à caution n’ont fait l’objet d’aucune remarque au cours de la Journée,

Pourquoi les croire plus fiables que l’interprétation que le sujet pourrait proposer, sinon parce que ce modèle se donne, avec ces outils de mesure quantitatifs, une allure de scientificité ?
Cela devient criant quand B. Falissard soutient que « ce type d’appréciation » (la cotation par trois pairs en vue d’évaluer s’il y a ou non amélioration des cas) n’est « pas plus mauvaise qu’une créatinémie » à condition que « vous challengiez, remettiez en question » !
Il y a là mise en parallèle d’une donnée biochimique, avec ses aléas de lecture relevant de l’avancée technologique d’une machine, et d’une cotation, résultat d’un consensus après lecture effectuée par 3 personnes. Cette dernière lecture est pourtant toute relative, puisqu’elle est à rapporter à la soumission des « pairs » aux outils, au cadre théorique sous-jacent, aux éléments retenus comme significatifs.

Pourquoi l’usage des termes de « pairs » et de « groupe de pairs » ?

Nous y voyons une volonté : celle d’évacuer la subjectivité des « psy », de les réduire à trois outils d’analyse dont la grille de lecture se doit d’être similaire, superposable à une lecture technologique. Ils peuvent d’ailleurs être de formations théorique différente : le thérapeute peut être de formation analytique, tandis que les deux autres cotateurs sont TCC. C’est là que B. Falissard situe le challenge et la remise en question nécessaires.
C’est oublier que la pertinence des éléments choisis n’est pas démontrée, que l’on ignore de quoi ces chiffres et ces résultats sont les indicateurs. D’une créatinémie, non, mais de quoi d’autre ?
Fiat, croyance à l’oeuvre, puisqu’il s’agit ici d’interprétations auxquelles nous sommes invités à souscrire, à partir de la seule affirmation de leur « scientificité » et de leur « transparence ».

Une psychothérapie, c’est quoi ?


En préliminaire ne s’agirait-il pas d’interroger ce qu’est une psychothérapie ?
Les psychothérapies dont on nous a entretenus ont souvent été qualifiées de « psychodynamiques » sans qu’ait été défini ce qui les caractériserait. Si cette orientation est repérée comme « champ théorique », nous ignorons quels sont les éléments retenus par les tenants de cette étude pour décider de l’effectivité d’une telle orientation, ce qui vient unifier ce champ.

Ainsi J. Barber, qui constitue une référence pour le Réseau, dit-il travailler sur des « psychothérapies psychodynamiques brèves » (PPB), mais être « un peu versé dans les deux formes de thérapies », c’est-à-dire « à la fois sur les psychothérapies cognitives et sur les psychothérapies psychodynamiques brèves ».
Il ne dit pas quelle en est sa définition, ce en quoi, pour lui, elles diffèrent, ni la durée de ces PPB, mais précise qu’aux Etats-Unis la durée moyenne d’une thérapie est de 8 séances !
Dans cet entretien, les interviewers, X. Briffault, M. Thurin et JM Thurin, mentionnent l’existence d’autres psychothérapies de la catégorie « dynamique » : celle de Kernberg, « très interprétative », et celles qui « se situent beaucoup plus du côté d’une aide de la personne à construire son espace de pensée, sa personnalité, son identité dans un cadre qui lui apporte une sécurité » (11)

Au nom de quoi les unes et les autres, dites psychodynamiques, sont-elles considérées comme telles ? En quoi peuvent-elles être considérées comme similaires ?
Si, comme il nous a semblé, cette psychothérapie « du côté d’une aide de la personne » a été utilisée pour mener certaines des prises en charge des études de cas, pourquoi l’a-t-elle été et pourquoi serait-elle paradigmatique des psychothérapies « dynamiques » ?
Rien n’est venu en rendre compte dans les exposés, et surtout pas cette remarque d’une participante du Réseau dans la salle : « la clinique transcende les clivages » ! Mais nous l’avons vu, la clinique ne transcende pas l’analyse d’un cas, elle est subordonnée aux modalités de cette analyse, elle implique une lecture, l’application d’un cadre théorique précis avec ses limites.

Par ailleurs, on ne peut prétendre que c’est « la même structure qui est appliquée à chacun des cas » (12) . On ne peut prétendre qu’une structure, une intervention, puissent être reproduites « à l’identique » tant côté « psychothérapeute », que patient, même à supposer qu’il s’agisse des mêmes sujets... et des mêmes mots prononcés.
Prétendre que ce qu’a opéré tel acte chez un sujet à ce moment donné est reproductible, avec l’idée d’une même réponse ultérieure, est très heureusement impossible, le sujet n’étant pas identifiable à un programme.
L’acte et ses effets ne peuvent être réduits à ces présupposés, ni à l’addition de réponses retenues comme significatives... par un chercheur-thérapeute et ses acolytes. Ils tiennent à autre chose que la somme d’un listing préétabli.
Un acte et ses effets n’ont pas qu’une dimension « technique », ils ne sont pas qu’un protocole avec incidences attendues. Dans cette logique, si les effets attendus ne se produisent pas, ils ne peuvent être lus que comme la conséquence d’une manoeuvre inadéquate du « psy », le signe de l’inadaptation du cas...ou au mieux comme l’absence d’une donnée pas encore entrée dans le calcul.

Des études de cas aux études agrégées


Il nous a été dit au cours de la journée que ce qui a été collecté, introduit dans la base de données, pourrait mener ensuite à des « études agrégées », permettre d’opérer des « croisements de facteurs » qui pourraient « expliquer les différences », cela « sans ramener à un profil moyen ».
Des cas isolés ainsi évalués il est donc prévu de passer « aux cas regroupés ».
Au vu de la relativité des données collationnées, ce projet s’apparente selon nous à une création de ses auteurs :
« Nous supposons qu’ensuite il va être possible de faire de la recherche inductive. C’est-à-dire de constituer et d’observer a posteriori des groupes de cas similaires, avec une notion de similarité qui dépend de ce qu’on veut rechercher : questions et problèmes similaires, diagnostic similaire, processus similaire, résultats similaires ou non similaires ....
On peut constituer ainsi des groupes quasi expérimentaux à partir desquels il devient possible de faire des comparaisons à différents niveaux. Nous supposons que cela va dépasser les limites des essais contrôlés randomisés » (13)
Ajoutons cela, qui vient compléter ces hypothèses : « Dans une perspective déterministe, la notion de hasard est uniquement liée à l’incapacité à appréhender complètement certains phénomènes dans leur complexité naturelle et donc à les prévoir infailliblement » (14)
Vouloir produire des déterminants calculables, reproductibles, de la psychothérapie rend compte de cet acharnement. Ces recherches tentent de recouvrir un réel qui échappe au filtre des protocoles.

Thérapies : L’entrée et la sortie de la boîte 
Nous ne chercherons pas à reprendre les présentations de cas et leurs suivis de façon exhaustive, nous relèverons seulement certains points.

 Des présupposés, présentés comme analytiques, ont été évoqués dans certaines des présentations de cas, ils orientaient le « traitement ».
A l’arrivée (après un temps de suivi), une tentative de questionnement d’un cas à partir ces éléments de départ s’est soldée par ce commentaire d’un organisateur : A « personnaliser le traitement, on déraille ».
A la sortie de la boîte, la théorie est réduite à rien. Zéro. Ou plutôt, elle devient une affaire personnelle, à garder pour soi.
On « mesure la qualité du traitement. Point », c’est là le fond de l’histoire La qualité est quantitative, on l’aura compris. Elle réside uniquement dans ces mesures effectuées avec les outils retenus. Toute autre chose est bannie.

 Si des objectifs ont été préalablement décrits, nous ignorons quels ont été les moyens mis en oeuvre par le « thérapeute » pour parvenir à ses fins.
Dans le second cas, par exemple, celui d’un enfant de 5 ans présenté comme autiste, l’un des objectifs décrits était de « contenir les crises à l’école », nous ignorons de quelle façon celui-ci a été atteint.

 A aucun moment ce que les sujets disent n’a été interrogé au regard de l’inconscient, le mot n’a pas même été prononcé, ni non plus celui de transfert, qui ne peut se confondre avec la notion « d’alliance thérapeutique ».
Le fait que le sujet humain soit parlant, « qu’il se produise comme (-1) au regard de la chaîne signifiante qui l’habite et que la libido investisse de manière élective ce (-1) » n’a pas plus été évoqué (15).
Dans ce qui nous a été présenté, la valeur des significations, des dires d’un sujet prennent sens autour d’une existence, d’un « bilan » ou d’une « histoire de vie » où l’intérêt se porte sur la « qualité des relations » familiales, amicales. La thymie, les émotions, les sentiments exprimés viennent prendre le rôle d’indicateurs d’une prise en charge qui vise à leur « stabilisation ».
Dans ce cadre, les objectifs retenus sont de l’ordre du soutien, de la « reconsolidation d’un moi ébranlé », de l’appui sur des processus défensifs.



En conclusion, quoi dire ? 


Que l’entrée dans la boîte implique l’assujettissement des thérapeutes et celle des thérapisés.
Les thérapeutes ne peuvent interroger leur mise de départ, soit la validité de leurs présupposés théoriques propres puisqu’à l’arrivée il y a substitution, déplacement : le nouveau cadre théorique, celui de la mesure est donné comme seul valable pour effectuer une lecture de ce qui s’est produit, des effets de la prise en charge. La mesure est considérée comme transcendantale.
L’orientation, dite analytique ou encore psychodynamique, telle qu’elle est menée ici, ignore ce qu’il en est de l’investissement libidinal chez l’être humain et tient qu’il peut faire l’objet d’un calcul.
« Pour une raison de fond, cet investissement n’est pas calculable, et tout ce qui tend à le saisir comme fonction calculable ne tient pas compte de ce qui se passe dans l’expérience analytique » (16)

Texte paru le 5 février sur mahelledi. wordpress.com

BIBLIOGRAPHIE

1 - Réseau de Recherches Fondées sur les Pratiques Psychothérapiques (RRFPP), Projet de l’appel d’offres, Références bibliographiques, http://193.49.126.9/Recherche/PLR/PLR55/PLR55.html

2 - Réseau de Recherches Fondées sur les Pratiques Psychothérapiques (RRFPP), Danion Jean-Marie, Editorial, Ibid. supra

3 - Ibid. supra

4 - Classification Internationale des Troubles Mentaux et du Comportement, CIM10, page 11

5 - Fischman Georges. Modèles épistémologiques de l’évaluation des psychothérapies et méthodologies de la recherche en psychanalyse. L’Information Psychiatrique, février 2009, Vol 85, N°2, 143-51, page 144

6 - Réseau de Recherches Fondées sur les Pratiques Psychothérapiques (RRFPP), Projet de l’appel d’offres, Enjeux spécifiques du projet, http://193.49.126.9/Recherche/PLR/PLR55/PLR55.html

7 - Ibid. Supra, Enjeux scientifiques actuels de la recherche évaluative en psychothérapie

8 - Kasdin, A. E. Evidence-based treatment and practice : New opportunities to bridge clinical research and practice, enhance the knowledge base, and improve patient care. 2008. American Psychologist, 63, 146-159

9 - Pour la Recherche n° 47. Entretien avec Jacques Barber. http://193.49.126.9/Recherche/PLR/PLR47/PLR47.html

10 - West, P. L., & Warchal, J. (2009). The role of evidence-based therapy programs in the determination of treatment effectiveness. G. R. Walz, J. C. Bleuer, & R. K. Yep (Eds.), Compelling counseling interventions : VISTAS 2009 (pp. 291-301), page 296, (Traduction M.-H. Bigot)

11- Pour la Recherche n° 47. Entretien avec Jacques Barber. http://193.49.126.9/Recherche/PLR/PLR47/PLR47.html

12- Ibid. sup.

13 - Ibid. sup.

14 - Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Hasard

15 - Miller J.-A. : El hueso de un anàlisis, Tres Haches, 1998, page 50

16 - Ibid., page 55

Vos commentaires