Pour une réelle accessibilité à la psychothérapie

par Guillaume de la Chapelle, Médecin psychiatre, directeur médical d’un hôpital de jour, responsable d’un diplôme inter-universitaire en Thérapies comportementales et cognitives (Lyon) publié le 10 juin 2021

"Une goutte de considération dans un océan de mépris"
Voilà un témoignage honnête reconnaissant la qualité du psychologue, c’est si rare et si opposé à la manière dont ils sont considérés par les dirigeants.
Psychologuesenresistance

Plutôt que d’encourager les psychiatres à prescrire en vingt minutes, il faut valoriser le temps passé à prodiguer une psychothérapie, estime un psychiatre qui soutient la journée d’action menée par les psychologues.

Les psychothérapeutes dénoncent un processus qui conduira à administrer encore un peu plus le parcours d’une personne souhaitant déposer sa souffrance psychique. (Microgen Images/Science Photo/Getty Images)
En tant que psychiatre, responsable d’un hôpital de jour et d’un diplôme inter-universitaire permettant à de nombreux psychologues et médecins, entre autres, de se former à la psychothérapie, je suis inquiet de voir une nouvelle fois un combat juste, celui d’un meilleur accès aux soins psychiques, être mené de façon précipitée, dilatoire et autoritaire. L’absence réelle de concertation – celle-ci se fait généralement avant la prise de décision, et avec les principaux concernés – et la volonté de déléguer à une profession non paramédicale les échecs d’un système à bout de souffle et indigent, celui de la psychiatrie française, montrent à nouveau le peu de place accordée aux acteurs du soin dans un processus qui conduira à administrer encore un peu plus le parcours d’une personne souhaitant déposer sa souffrance psychique et entrer dans le colloque singulier qu’est la psychothérapie comme elle le souhaite.

Le dispositif de remboursement des séances chez un psychologue ne concernerait que des problématiques légères ou modérées : les personnes atteintes de troubles sévères continueraient donc à payer au prix fort leur accès aux soins, contraintes de choisir entre une psychothérapie non prise en charge par la solidarité nationale et l’errance au sein d’un système hospitalier public et privé au-delà de la saturation, d’où elles sont de plus en plus souvent refoulées, faute de place et ce, encore plus depuis cette crise sanitaire ? Rouvrons plutôt des lits d’hôpitaux, créons massivement des postes de psychologues dans les centres médico-psychologiques que les psychiatres délaissent de plus en plus. Rendons attractif notre système de santé aux multiples facettes plutôt que de précariser et décourager une profession à qui nous imposons déjà bien trop une délégation de tâches. Plutôt que d’encourager les psychiatres à prescrire en vingt minutes, valorisons le temps passé à prodiguer une psychothérapie, quelle que soit la profession qui l’exerce.

Le nombre de séances fixé à l’avance
Le nombre de séances remboursées serait extrêmement limité et fixé à l’avance : qui peut penser qu’une psychothérapie se décide et se dénoue de façon si rigide ? Comment imaginer qu’un contrat reposant sur des critères administratifs et non sur un rapport collaboratif entre le psychothérapeute et son client puisse être investi de façon sereine ? Ces thérapies menées en dix séances sont-elles si fréquentes chez les psychologues libéraux ? Et si efficaces ? Le risque est plutôt d’engendrer des psychothérapies low cost façon puzzle…

Le montant de ce qui sera versé aux psychologues agréés, accessible sur le site ameli.fr, les conduira soit à réduire la durée de leurs séances – ce que tout professionnel de santé libéral connaît déjà, avec les difficultés et l’épuisement que l’on sait, cette durée réduite pouvant également nuire à la possibilité de confier des problématiques lourdes et à la qualité de l’élaboration – soit à abandonner peu à peu la pratique libérale – mais peut-être est-ce le but – et à laisser un peu plus le champ libre de la prise en charge de la souffrance psychologique hors circuit de soins à des intervenants aux compétences non évaluées et non reconnues. Le remède serait alors pire que le mal, d’autant que la psychothérapie est finalement le principal pont entre les professions de psychologue et de psychiatre, le titre de psychothérapeute venant reconnaître cette compétence égale. Subordonnée, abandonnée, dévaluée, la psychothérapie ne mérite pas un tel avenir. Elle est à défendre ardemment, et ce n’est pas en lui accordant un prix dérisoire et un parcours sinueux, qui viendraient appauvrir sa pratique et précariser ceux qui l’exercent, qu’elle deviendra accessible.

Pour toutes ces raisons, je soutiens sans réserve et avec respect la journée d’action menée par mes collègues psychologues.

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