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Dialogue entre le DRH du Centre Hospitalier de N. et Madame S., psychologue

27 juin 2010, 01:07, par Philippe GROSBOIS

DRH Centre Hospitalier de N. : Bonjour Madame S. ; je souhaitais vous voir car nous sommes en train de restructurer à titre expérimental les modalités de prise en charge thérapeutiques des patients dans le service où vous travaillez comme psychologue depuis 22 ans, je crois ?

Psychologue : Oui, cela fait 22 ans et 6 mois…

DRH : Etant donné la nouvelle réglementation de 2004 et le décret de juin 2010 sur l’usage du titre de psychothérapeute, je vous demanderai de ne plus utiliser ce terme pour qualifier vos activités car il est désormais protégé par la loi. Par ailleurs, nous avons recruté la semaine dernière une personne titulaire du titre de psychothérapeute, selon les termes de la loi, personne qui interviendra à mi-temps dans votre service et qui effectuera toutes les prises en charge psychothérapiques indiquées par le corps médical.
Je vous prierai par conséquent de cesser vos activités psychothérapiques le plus rapidement possible, en prenant les mesures adéquates auprès des patients concernés, afin de passer le relai à cette personne.

Psychologue : Mais… Je ne comprends pas… J’ai une formation à la psychothérapie depuis des années, formation que je continue, en bénéficiant d’une supervision de ma pratique, que je paie d’ailleurs de ma poche au profit du service où je travaille, la formation continue de l’hôpital m’ayant refusé toute prise en charge financière…

DRH : Madame S., croyez bien que j’en suis désolé mais maintenant que la loi a défini ce qu’est la qualification d’un psychothérapeute, nous avons choisi de faire appel désormais à des personnes dont la compétence est reconnue par l’Etat. Vous pourrez bien sûr continuer à avoir des entretiens avec des patients mais les indications de psychothérapie seront orientées vers le psychothérapeute ; nous avons décidé cette restructuration avec l’accord de votre médecin-chef et après avoir consulté la CME car nous avons l’intention de généraliser progressivement cette pratique à l’ensemble des secteurs de l’hôpital.

Psychologue : Mais la loi ne porte que sur le titre de psychothérapeute… Elle n’interdit pas aux psychologues de pratiquer la psychothérapie, elle leur interdit seulement de faire usage du titre de psychothérapeute s’ils n’ont pas la formation requise par la loi…

DRH : Bien sûr, Madame S. … Mais nous préférons faire appel à des professionnels dont l’Etat garantit la qualification.

Psychologue : Et sur quelle base allez-vous rémunérer cette personne ?

DRH : Nous nous référons à la grille de salaire des psychologues de la Fonction Publique Hospitalière car ce psychothérapeute a une formation de psychologue ; la différence avec vous, c’est qu’il a suivi la formation requise par la loi et qu’il présente donc toutes les garanties légales pour mettre en œuvre des psychothérapies dans le service. Vous comprendrez que nous accordons plus de crédit à une formation habilitée par l’Etat qu’à des formations privées dont nous avons d’ailleurs du mal à cerner la nature…
Dès que ce collègue prendra ses fonctions dans votre service, je vous prierai de prendre contact avec lui afin d’assurer la continuité des soins en ce qui concerne les prises en charge psychothérapiques que vous assuriez. Je vous remercie. Au revoir, Madame S.

Ce dialogue fictif pour l’instant risque fort de devenir une réalité dans un avenir proche… Les psychologues vont-ils se laisser dessaisir d’une activité à laquelle nombreux d’entre eux se sont formés à prix fort et sans reconnaissance financière supplémentaire par leur employeur ?
Accepterons-nous que les institutions où nous effectuons, pour beaucoup d’entre nous, des prises en charge psychothérapiques, confient à l’avenir cette activité aux porteurs d’un titre qui, bien que légal, ne présente en fait, aucune garantie en matière de qualification psychothérapique puisque ceux-ci n’auront suivi qu’un embryon de formation supplémentaire en psychopathologie imposé autoritairement par la loi ?
Allons-nous accepter ce qui risque de devenir une concurrence déloyale basée sur une tromperie légalisée ?
Allons-nous accepter que des UFR de Psychologie et de Médecine organisent cette formation bidon et de ce fait soient à l’origine d’une concurrence entre des psychologues ou des médecins formés à la psychothérapie et des psychologues ou des médecins non formés à la psychothérapie mais qui pourront légalement faire paradoxalement usage du titre de « psychothérapeute » ?